DALLIÈRE, Louis (1897-1976)
Compilation des textes de 1925-1939
Compilation des textes de 1940-1976
Texte rédigé par David Bouillon et publié dans Le Grand Dictionnaire de Théologie – Excelsis, 2021 p. 334 – 336.
Pasteur et théologien réformé, fondateur de l’Union de prière.
Né à Chicago le 4 juillet 1897 d’un père catholique et d’une mère anglicane. Passe son enfance en région parisienne. La famille n’est pas pratiquante mais suite à la perte d’un enfant, elle se rapproche de l’église Réformée de Saint-Germain-en Laye. L.D. y confirme son baptême en 1912. Études de théologie à la Faculté protestante de Paris et de philosophie à la Sorbonne. Épouse en 1921 Marie-Caroline Boegner, fille d’Alfred Bœgner, directeur de la Société Évangélique des Missions de Paris (SMEP). Elle est la cousine germaine de Marc Boegner et celui-ci appuiera souvent L.D. quand ses prises de position théologiques susciteront la méfiance des milieux réformés. Par son mariage il devient aussi le beau-frère du philosophe Gabriel Marcel. De 1922 à 1923 le couple séjourne à l’université de Harvard et L.D. suit les cours du philosophe William Ernest Hocking. De retour en France, L.D. est nommé pasteur à Charmes (Ardèche). Il y est consacré en janvier 1925 et rejoint les rangs de l’Église Réformée Évangélique. Il ne quittera plus ce village jusqu’à sa mort en janvier 1976. Les Dallière n’auront pas d’enfants mais adopteront une fille.
La vie de L.D. peut être découpée en trois périodes :
1) 1925-1931 : le temps du questionnement ;
2) 1931-1939 : l’engagement dans le Réveil et le soutien au pentecôtisme ;
3) 1947-1976 : la fondation de l’Union de prière.
1) Le temps du questionnement : L.D. Dallière ne vit pas la 1ère Guerre Mondiale comme combattant mais elle le marque profondément. Un peu comme pour Karl Barth, ce conflit révèle la faillite de la foi dans le progrès qui a marqué la philosophie et la théologie dans la deuxième moitié du 19e siècle. L.D. entreprend une profonde remise en question de la théologie protestante en se positionnant sur deux fronts : celui de la pensée en se livrant à une critique rigoureuse du libéralisme protestant et celui de l’ecclésiologie. Le libéralisme théologique lui semble faire fausse route en choisissant de se plier aux exigences de la rationalité issue des Lumières. Le formalisme kantien et l’influence des diverses formes de l’idéalisme ont contribué à relativiser le réalisme de la pensée biblique (« Examen de l’idéalisme », Études Théologiques et Religieuses, 1931, p. 24-48, 137-160, 351-375). La pensée chrétienne - qui s’enracine dans la Bible, la théologie des Pères, des théologiens du Moyen Age et de la Réforme - croit au contraire que le fondement du monde visible est cette réalité invisible qui transcende le monde sensible. Si l’on doute du monde ou de soi, la réponse n’est pas à chercher dans le cogito (Descartes et la pensée moderne qui valorisent de plus en plus la raison) mais dans le credo. Cela permet aussi d’échapper à l’individualisme du sujet pensant pour fonder la réalité communautaire de l’Église corps de Christ (« L’Eglise comme fondement de la réalité humaine », Le semeur, 1931, 33/4, p. 202-222). Attentif aux débuts de l’œcuménisme (Conférence d’Edimbourg 1910 ; appels de l’abbé Couturier), mais aussi aux collaborations interdénominationnelles qui se sont tissées dans diverses « sociétés » protestantes (biblique, des Missions..), L.D. entrevoit que les questions ecclésiologiques seront déterminantes dans les décennies à venir.
2) L’engagement dans le Réveil : Dès le temps de ses études et dans les premières années de son ministère paroissial, L.D. est en recherche d’un renouveau spirituel personnel et paroissial. Avec des collègues ils se retrouvent pour prier et s’encourager. Il est aussi attentif à ce qui se passe en Drôme avec le mouvement des « Brigadiers ». Au début de 1932, L.D. apprend que Douglas Scott, un missionnaire pentecôtiste, est invité à Privas. L.D. va l’écouter. Le message simple mais pertinent de Scott l’interpelle. Et si ce renouveau de l’Esprit était la réponse divine à son questionnement et à ses frustrations ? Les Cévennes n’ont-elles pas autrefois connu un mouvement spirituel semblable au travers des « Petits Prophètes » ? Durant l’été 1932, Dallière se rend en Angleterre pour enquêter sur le mouvement pentecôtiste (églises Elim représentées par les frères Jeffreys) et se consacre à le promouvoir au sein de l’Église réformée. Il rédige en ce sens une courte brochure : D’aplomb sur la Parole de Dieu. Avec quelques pasteurs réformés ardéchois, L.D. organise le « Réveil de l’Ardèche ». Mais cette apologie du pentecôtisme est mal reçue, en particulier par l’équipe des « Brigadiers de la Drôme » qui conçoivent le Réveil sur un mode plus calviniste et moins émotionnel. L.D. tient bon et dans les années 1930 il sera un des acteurs clé d’un mouvement pentecôtisant où sont impliqués plusieurs pasteurs réformés des pays francophones. Ils éditent un journal, Esprit et Vie, qui vise à organiser et former les protestants acquis au Réveil mais soucieux de demeurer dans leur paroisse protestante. Dallière combattra vigoureusement toute tendance à créer un schisme et ne soutiendra pas la création des Assemblées de Dieu pentecôtistes. Cette loyauté affirmée à l’Église protestante ne l’empêche cependant pas de jeter un pavé dans la marre en remettant en question le pédobaptisme généralisé. (Karl Barth ira aussi en ce sens à partir de 1943). Son approche n’est en rien celle des baptistes ou anabaptistes. Il reste attaché à l’approche sacramentelle de Calvin : dans le baptême c’est avant tout Dieu qui agit. Ce qu’il critique, c’est que le baptême des enfants n’a de pertinence que pour autant que l’enfant baptisé soit accompagné dans l’éveil et la maturation de sa foi. Cela suppose une forme de chrétienté. Mais la 1ère Guerre Mondiale sonne la fin de la chrétienté en occident et la pratique baptismale de l’Eglise se doit d’en tenir compte. Cette question ne sera résolue qu’au Synode national du Chambon-sur-Lignon, en 1951. Une cérémonie de présentation permet aux parents de demander à Dieu, entouré de la communauté, sa bénédiction sur leur enfant.
3) Les années de guerre 1939-45 : Le 2e conflit mondial met un coup d’arrêt au Réveil de l’Ardèche. Pendant cette période, L.D. approfondit sa compréhension de ce que l’on appelle alors la « question juive ». En 1936, le jeune André Chouraqui était venu le rencontrer à Charmes. Il découvre un pasteur profondément concerné par le sort des Juifs. Sa réflexion sur l’Église l’ayant conduit à repenser la relation des chrétiens au peuple juif, Marc Boegner lui demande en 1941 de présenter cette position devant les pasteurs de l’Eyrieux. L.D. contribue à sauver plusieurs Juifs pourchassés (Yad Vashem lui accorde le titre de « juste parmi les nations » en 1990).
4) La fondation de l’Union de prière : En 1946, à l’exemple de Wilfred Monod, fondateur des Veilleurs, L.D. crée l’Union de Prière de Charmes (Association Cultuelle qui se rattache à l’Eglise Réformée de France en 1971 par un Protocole d’accord). Ce mouvement propose à ses membres et sympathisants l’intercession autour de quatre sujets principaux : le Réveil ; le salut du peuple juif ; l’unité visible de l’Église ; la venue en gloire de Jésus et la victoire sur la mort. L’essentiel de sa vision est exprimé dans la Charte de l’Union de prière. Chaque été, au cours de la Retraite annuelle de la communauté, L.D. apporte des enseignements où il développe tel ou tel aspect des quatre sujets de prière. Lors de ces Retraites, la possibilité est aussi offerte à des personnes ayant été baptisées enfant de confirmer par immersion l’engagement du baptême. L.D., soucieux de concilier spiritualité et implication dans la société, ouvre en 1947 le « Cours Isaac Homel » collège d’enseignement secondaire qui a fonctionné jusqu’en 1975.
Dès la fin des années 1960, L.D. est attentif à l’émergence du mouvement Pentecôtiste. Le pasteur David du Plessis vient à Charmes en 1968 et plusieurs pasteurs de l’Union de prière joueront un rôle actif dans le développement du Renouveau Charismatique en francophonie dès 1971. Ils contribueront aussi à y faire passer certaines des thématiques propres à l’union de prière comme l’intérêt pour le judaïsme ou la question de la venue en gloire de Jésus.
On doit aussi souligner l’engagement de L.D. en faveur de la vie communautaire dans le protestantisme. Les contacts seront d’ailleurs nombreux avec diverses communautés comme les Diaconesses de Reuilly, Taizé et Grandchamp. L’Union de prière fait d’ailleurs partie depuis les années 1970 du Département des Communautés de la Fédération Protestante de France.
A ce jour, l’Union de prière a son siège à Charmes-sur-Rhône où se tiennent les Retraites annuelles et organise aussi des rencontres en Belgique et en Suisse.
Bibliographie : 1. Ecrits de L.D. : Bundy, David, « L’émergence d’un théologien pentecôtisant : les écrits de Louis Dallière de 1922 à 1932 », Hokhma, 1988, 38, p. 23-51 (avec une bibliographie très complète des écrits de L. Dallière pour cette période). Bouillon, David, Eglise – Baptême – Esprit Saint : La théologie de Louis Dallière, thèse de doctorat, Strasbourg, 2017, 460 p. (annexe : bibliographie des écrits de L.D. avec résumés, 71 p. – consultable sur le site : Union de prière)
2. Etudes sur L.D. : Bost, J., « Le mouvement de Pentecôte et le Réveil en Ardèche », in La vie des Eglises protestantes de la vallée de la Drôme de 1928 à 1938, Paris : Les Bergers et les Mages, 1977, 284 p. [L.D. = p. 147-162, 169-173] / Bouillon, D., « Espérer d’Israël ! Louis Dallière, un pasteur face à la question juive », in Le scandale d’Israël, paris : Encre d’Orient, 2011, p. 7-25 [textes inédits de L.D. et d’A. Chouraqui] ; _, « L’union de prière de Charmes-sur-Rhône et le peuple juif », in Juifs et protestants, une fraternité exigeante, Lyon : Olivétan : 2015, p. 275-280 ; _, « L’apport du pasteur Louis Dallière à l’engagement de Fadiey Lovsky en faveur du peuple juif », SENS (amitié judéo-chrétienne), 2016, 404, p. 46-60 / Brémond, A., Sur les chemins du renouveau : une aventure sociale et spirituelle, Paris : Pneumathèque, 1976, 262 p. (Collection du Chemin Neuf II) [L.D. = p. 99-105, 163-174] / Cadier, J., Le matin vient, Paris : Les Bergers et les Mages, 1990, 193 p. [L.D. = p. 155-176] / Chouraqui, A., L’amour fort comme la mort. Une autobiographie, Robert Laffont : Paris, 1990, 516 p. [L.D. = p.132-150] / Clivaz, C., « Un baptême – des spiritualités baptismales ? », Études théologiques et religieuses, 2000, 75 / 1, p. 39-56 / Fath, S., « Rassembler ou multiplier ? Le prophétisme des "réveils" de Drôme et d’Ardèche au début des années 1930 », Bulletin de la Société de l’Histoire du Protestantisme Français, 2002, 148, p. 217-233 / Hocken, P., « Un pionnier méconnu », in La gloire et l’ombre : les enjeux d’une effusion du Saint-Esprit au XXème siècle (Collection Chemin Neuf – Pneumathèque), Nouan-le-Fuzelier : Edition des Béatitudes, 1998, 228 p. [L.D. = p. 95-100] ; _, « Dallière, Louis (1897-1976) », in International Dictionary of Pentecostal and Charismatic Movements (Revised and expanded edition ; S. M. Burgess, ed.), Grand Rapids, Zondervan, 2002, p. 569-570 ; _, « The Prophetic Contribution of Pastor Louis Dallière », in Wonsuk Ma & Robert P. Menzies (eds.), The Spirit and Spirituality: Essays in Honor of Russell P. Spittler, London & New York, T & T Clark International/ Continuum, 2004, p. 253-270 ; _, The Challenges of the Pentecostal, Charismatic and Messianic Jewish Movements. The Tensions of the Spirit, Farnham – Burlington, Ashgate, 2009. [L.D. = p. 20-23 ; 53-54 ; 120-124]; Jacquemus, S., L’Eglise se prépare. Quelques courants prophétiques de l’Eglise d’aujourd’hui, Paris : Editions Première Partie, 2007, 64 p. / Laurentin, R., « Néo-pentecôtisme : L’Union de Prière de Charmes (1932) », in L’Esprit-Saint cet inconnu. Découvrir son expérience et sa personne, Paris : Fayard, 1997, p. 256-260 / Lovsky, F., « La pensée théologique du pasteur Louis Dallière », Études Théologiques et Religieuses, 1978, 53 / 2, p. 171-190 / Marcel, A., « Gabriel Marcel entre le protestantisme et l'Église », Présence de Gabriel Marcel, 2004, 14, p. 63-100. [L.D. = p. 75-90] / Plet, P., « DALLIERE Louis (1897-1976) », in Encyclopédie du protestantisme, Paris – Genève, Cerf – Labor et Fides, 19951, p. 345 ; Paris – Genève : Quadrige/PUF – Labor et Fides, 20062, p. 299 / Reymond, J., Maurice Ray, un apôtre en pays de Vaud, Pomy : JEM Éditions, 2015, 183 p. [L.D. = p. 96-106] / Robert, D., « DALLIERE Louis », in Les protestants (Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, vol. 5), Paris : Beauchesne, 1993, p. 160-161 / Roux, H., De la désunion vers la communion, un itinéraire pastoral et œcuménique, Paris : Centurion, 1978, 309 p. [L.D. = p. 59-60, 80-85].